La mort, thème important dans l'oeuvre de Dali
Les sauterelles, les fourmis, le sang et les excréments sont pour Salvador Dali des éléments terrorisants. Loin d'en être fasciné ou d'en faire l'apologie, ces parties de son iconographie surréaliste des années 20 représentent tous les vecteurs de sa folie qui ont failli le terrasser dans sa jeunesse. Le spectre de la mort omniprésent, transfiguré dans des images d'insectes, de putréfaction, de formes molles, ne sont qu'un ensemble d'expérience morbides mal digérées de son adolescence.
Dès son plus jeune âge, Dali fut confronté à un problème d'identité profond. Seulement 9 mois avant sa naissance, son frère idôlatré par la famille, prénommé lui aussi Salvador et à peine âgé de 21 mois, mourait d'une gastro-entérite infectieuse. Il est facile de comprendre toute la force du message, une naissance 9 mois après le décès d'un enfant. Dali s'est très longtemps considéré comme le remplacant d'un fils parfait, son double et son usurpateur à la fois, chargé de faire oublier la mémoire de son aîné.
Il explique ses excentricités par le désir de prouver "Toutes les excentricités que je commets, toutes mes incohérences sont la marque de ma vie. Je veux me prouver que je ne suis pas le frère mort, mais le vivant. Comme dans le mythe de Castor et Pollux : en tuant mon frère, j'ai gagné pour moi l'immortalité" (La Vie Secrète.) et ce tableau peu connu rend hommage à son frère. On y voit un corbeau dans l'angle supérieur gauche, une évocation de l'Angélus de Millet (en bas à droite).
La mort suit Dali tout le long de sa carrière et reste une préocupation contestante. La mort de sa mère en 1921 et de ses amis artistes, Garcia Lorca fusillé au début de la guerre d'Espagne et le suicide de René Crevel, poète surréaliste, sont d'autant d'éléments traumatisants rappelant la destinée de l'homme. Fasciné par les sciences, il ira même jusqu'à envisager de se faire cryogéniser, en attendant que la médecine ait vaincu la mort.
Une mise en abyme de la mort. Une profondeur de la mort à travers ce visage humain en décomposition, d'une couleur cadavérique avec ses tons marrons et violacés. La bouche et les yeux qui contiennent des têtes squelettiques qui elles-mêmes en contiennent d'autres et ainsi de suite, dans une sorte d'infini aussi profond que l'horreur de la mort... La mort est trop horrible, trop profonde pour se montrer sous la seule forme d'un visage. La mort est présente dans les tréfonds de l'Homme